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Expérience des seedballs: résultats finaux

Résultats finaux de l’expérimentation sur le terrain

Pour rappel (voir publications du 15 août et du 15 septembre), notre expérience scientifique, financée par le Research Challenge de ETH for Development, visait à mesurer l’impact de l’enrobage des graines sur le taux de germination. Quelles sont nos conclusions?

Sur les 40 espèces forestières sélectionnées, les graines de 26 espèces ont pu être récoltées. Les 14 espèces restantes n’ont pu être identifiées à temps. Un premier comptage des pousses a eu lieu à la mi-juillet. Il été suivi d’un deuxième comptage de vérification à la mi-août. Ces comptages ont été rendus difficiles par l’abondance des adventices présentes sur le terrain. Ceci explique certaines incohérences, indiquées en rouge dans le tableau ci-dessous:

taux de germination germination rate Keimrate

Sur les 26 espèces de l’expérimentation 17 (65%) avaient déjà germé deux mois, respectivement trois mois, après le semi. La corrélation entre le taux de germination maximal par espèce obtenu dans l’expérimentation et le taux de germination théorique selon les sources scientifiques est de 68%. En moyenne le taux de germination maximal par espèce dans l’expérimentation atteint 54%, alors que leur taux de germination théorique est de 69%.

Avant d’analyser l’impact des seedballs nous avons voulu comprendre pourquoi huit espèces ont un taux de germination au moins 30% inférieur au taux théorique. Quelles pourraient en être les raisons ?

  • Parkia biglobosa (68% vs 99%) : la dormance physique de ses graines est importante et il est possible que notre prétraitement n’ait pas suffit à lever cette dormance ou que la germination soit simplement plus lente pour cette espèce.
  • Carapa procera (35% vs. 80%) : les graines de cette espèce sont récalcitrantes. Il est probable que certaines ont séché avant le semi et ainsi perdu leur pouvoir germinatif.
  • Syzygium guinéense spp (0% vs. 80%) : Les graines, également récalcitrantes, doivent être semées immédiatement après la cueillette des fruits selon Prota4U, car elles peuvent se gâter dans les 24 heures suivant leur stockage. Dans ce cas aussi, il est possible que les graines aient trop attendu avant d’être semées.
  • Prosopis africana (0% vs. 70%) : « Les résultats montrent une forte production de semences dont la majeure partie est soit attaquée soit pourrie. Malgré, l’existence d’une dormance tégumentaire, les graines de Prosopis africana ont la possibilité de germer in situ en l’absence de feu et du bétail mais avec un temps de latence assez long »[1]. Pour éviter le pourrissement des graines sous l’arbre semencier, il aurait peut-être fallu récolter sur bâche.
  • Pterocarpus erinaceus (0% vs. 50%) : la dormance physiologique est faible et il est surprenant que le traitement n’ait pas suffit à la lever, d’autant plus que la germination devrait commencer 6-10 jours après le semis selon Prota4U. Peut-être que la qualité des graines était mauvaise ?
  • Tectona grandis (0% vs 30%) : Selon Prota4U : « La “graine” de teck est en réalité un fruit qui peut contenir jusqu’à quatre vraies graines. […] Généralement, il y a une à deux graines viables par fruit, mais parfois les fruits sont stériles. La germination d’un même lot de graines peut débuter après une dizaine de jours pour se terminer après plusieurs années ; l’optimum de la germination est vers 35–45 jours. La dormance est difficile à lever et aucune technique vraiment fiable n’a été mise au point. […] Pour favoriser la germination, les graines ne doivent pas être totalement enfouies et ne doivent pas recevoir d’ombrage. » Il est possible que les graines aient été semées trop profondément dans les poquets et que l’enrobage ait nuit à la germination.
  • Vitex doniana (0% vs. 34%) : selon Prota4U les fruits non traités mettent parfois très longtemps à germer et il est possible que le feu accélère la germination. En effet la dormance physiologique est importante et l’intensité de traitement que nous avons appliqué n’a probablement pas suffi.
  • Terminalia Glaucescens (0% vs. 30%) : il est possible que les graines de cette espèce soient récalcitrantes. De plus sa dormance physiologique est importante.

Cette brève analyse permet deux conclusions :

  1. Le processus de fabrication des seedballs, qui requiert une période de stockage des graines, a un impact négatif sur le taux de germination des espèces récalcitrantes: sur les 6 espèces récalcitrantes parmi les 26, 3 espèces (50%) ont un taux de germination significativement inférieur à la normale, dans notre expérience.
  2. En revanche la dormance n’a que peu d’influence sur le taux de germination lorsque l’on utilise la méthode des seedballs: sur les 12 espèces qui requièrent un traitement intense pour lever la dormance, 7 espèces ont germé normalement. Sur les 14 espèces qui ne requièrent qu’un traitement modéré pour lever la dormance, 3 espèces ont mal germé.

 

Contrairement à l’hypothèse, selon laquelle les espèces anémochores, barochores et autochores seraient mieux adaptées au semi-direct et à la protection par enrobage, les résultats ne montrent aucune relation significative entre le type de propagation des graines et la germination en semis direct :

  • 6 sur 8 espèces anémochores ont germé (75%)
  • 10 sur 15 espèces zoochores ont germé (66%)
  • 1 sur 3 espèces barochores a germé (33%)

 

En ce qui concerne les traitements appliqués, l’absence de traitement (groupe C) et le traitement T1 (trempage) produisent les meilleurs résultats en moyenne, pour les deux comptages.

Pour huit espèces parmi les 17 qui ont germé, l’absence de traitement a produit les meilleurs résultats dans les deux comptages. Pour six autres espèces l’absence de traitement s’est avérée supérieure dans un des deux comptages. Seules 3 espèces ont préféré les traitements, mais dans 2 cas il s’agit du trempage. Une unique espèce, Lophira lanceolata, profite de l’enrobage, dans un des deux comptages.

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Il nous semble donc possible de conclure que, dans les conditions climatiques et écosystémiques de Linko, pour les espèces ci-dessus à l’exception de Lophira lanceolata, Vitellaria paradoxa et Afzelia africana, l’absence de traitement conduit à un meilleur taux de germination. Contrairement à notre hypothèse principale, l’enrobage des graines (méthode des boulettes de graines, ou « seedballs ») a un impact moindre ou même contre-productif sur le taux de germination. L’enfouissement des graines nues, sans traitement, dans des poquets, semble suffire à leur protection contre les oiseaux, les rongeurs et les parasites.

C’est un enseignement capital pour le projet arboRise : renoncer à l’enrobage des graines simplifiera de manière significative le processus de plantation. De plus, les ressources allouées à l’enrobage pourront être utilisées pour doubler la quantité de graines récoltées et ainsi atteindre une densité de 10’000 graines par hectare, soit 1 graine par m2.

Le taux de survie sur la parcelle d’expérimentation sera mesuré une année après l’ensemencement, en mai 2023. Par la suite les plants qui auront survécu sur le périmètre d’expérimentation pourront servir pour prélever des boutures, utiles à l’enrichissement des terrains reboisés par arboRise.

 

[1] Niang Diop F., Sambou B., Lykke A. M. : Contraintes de régénération naturelle de Prosopis africana : facteurs affectant la germination des graines, International Journal of Biological and Chemical Sciences, 2010, p. 1693-1705. file:///C:/Users/phili/Downloads/65578-Article%20Text-130554-1-10-20110415%20(1).pdf

Comptage counting Aufzählung