Premiers résultats de l’expérience sur les boulettes de graines

Prétraitements pretreatments Behandlung

Résultats préliminaires de notre expérience scientifique (voir la publication du 15 août 2022)

Organiser la récolte des graines forestières nécessite de connaître les périodes de fructification de chaque espèce. Nous recommandons d’établir un calendrier de récolte selon le modèle du tableau ci-dessous, résultat de nos enquêtes sur le terrain, combiné avec les ressources en ligne [1]. Les périodes de récolte idéales figurent en vert (orange : début possible et fin de récolte). Elles correspondent aux conditions écosystémiques et climatiques de la sous-préfecture de Linko. Cet aperçu des périodes de maturité nous a permis de constituer trois groupes d’espèces, pour augmenter l’efficacité de la récolte.

Calendrier de récolte

Pour optimiser le taux de germination avec la méthode des seedballs en semi-direct, nous avons ensuite analysé quatre caractéristiques de nos 40 espèces : la dormance et les prétraitements requis pour la lever [2], le mode de propagation, le poids des graines et la tolérance à la dessication.

dormance dormancy Dormanz

La dormance pouvant avoir un impact sur le taux de germination de notre expérience, nous avons recensé le type de dormance [3] de chaque espèce selon la littérature scientifique [4]. Puis, pour déterminer le type de prétraitement à administrer à chaque espèce pour lever la dormance, nous avons consulté les recommandations pratiques du Centre National de Semences Forestières de Ouagadougou, qui fait autorité en la matière en Afrique de l’Ouest. On observe, dans le tableau ci-dessus, peu de correspondances entre la source scientifique et l’expérience des praticiens.

Sur le graphique ci-dessous, qui représente les 40 espèces classées par période de maturité des graines, et le niveau d’intensité des prétraitements recommandés par les praticiens, on constate (traitillés rouges) que les espèces arrivant à maturité en saison sèche (novembre-avril, sur la gauche du graphique) ont plus souvent besoin d’un prétraitement pour lever leur dormance que celles arrivant à maturité avant l’arrivée des pluies. Les 17 espèces de saison sèche ont une intensité de prétraitement de 4,8 alors qu’elle est 2,9 de pour les 23 espèces de saison humide. Cela semble logique puisqu’une germination en saison sèche engendrerait un taux de mortalité élevé pour les graines de ces espèces précoces : c’est pourquoi celles-ci disposent plus fréquemment de mécanismes de dormance.

Prétraitements pretreatments Behandlung

Dans notre expérience, nous avons appliqué les prétraitements requis aux groupes-tests 1 et 3 pour mesurer l’impact de la dormance et de sa levée sur le taux de germination. Notre hypothèse était que l’enrobage pourrait inhiber la levée de la dormance (pour les espèces à dormance physique) ou la retarder (pour les espèces à dormance physiologique).

Le mode de propagation des graines, dans le tableau ci-dessous, vient confirmer notre observation que les espèces adoptent des stratégies de reproduction différentes, suivant qu’elles arrivent à maturité à la saison sèche ou à la saison des pluies : dans le groupe des 17 espèces de saison sèche 7 espèces sont anémochores et 6 espèces sont zoochores, alors que la proportion des zoochores est significativement plus élevée parmi les espèces qui arrivent à maturation à la saison humide :

Anémochores Zoochores Barochores Autochores
Maturité en saison sèche 41% 35% 18% 6%
Maturité à la saison des pluies 22% 61% 9% 8%

Il semble ainsi que les espèces de saison sèche s’appuient plus volontiers sur les éléments naturels (vent, gravité) pour leur dissémination. A l’inverse les espèces de saison des pluies utilisent plutôt les animaux, peut-être parce que ceux-ci, protégés par la couverture végétale de la saison humide, parcourent de plus grandes distances à cette période de l’année. Cette propagation zoochore de la moitié des 40 espèces sélectionnées par arboRise pourrait, à terme, renforcer naturellement l’action de reforestation d’arboRise (d’autant plus que le projet arboRise vise, à long terme, à établir un corridor forestier favorable aux déplacements de la faune entre les parcs nationaux du Haut-Niger en Guinée et de la Comoé en Côte d’Ivoire).

Le nombre de graines par kilo, et donc le poids moyen par graine ne présente pas de surprise : les graines disséminées par le vent (anémochores) et autopropulsées par explosion (autochores) sont les plus légères, alors que les graines propagées par la faune (zoochores) ou la gravité (barochores) sont les plus lourdes en moyenne :

Anémochores Zoochores Barochores Autochores
Nombre de graines par kilo 7600 2470 [5] 3410 10833
Poids moyen par graine 0,13 gr 0,40 gr 0,29 gr 0,09 gr

Le poids par graine a également son importance en ce qui concerne le processus de confection des boulettes de graines, puisque les graines lourdes sont plus faciles à manier.

Plus fondamentalement ces observations soulèvent plusieurs questions subsidiaires :

  • Quels types de graines se prêtent-ils le mieux au semi-direct ? On pourrait formuler l’hypothèse (2) que les espèces anémochores, barochores et autochores, qui se propagent naturellement par le vent, la gravité ou par explosion, sont mieux adaptées au semi-direct, que les espèces zoochores qui requièrent parfois le passage par le transit intestinal de l’animal qui les transporte.
  • A quel type de graines l’enrobage dans des boulettes d’argile et de charbon de bois profite le plus ? Ici on peut formuler l’hypothèse (3) que l’enrobage est nuisible aux espèces zoochores à dormance physique, qui sont destinées à être avalées et excrétées, alors que les autres espèces sont le plus souvent consommées et profiteraient plus de la protection d’une boulette.

Notre publication du 30 octobre répondra à ces questions et présentera tous les résultats finaux de l’expérience !

 

[1] https://www.prota4u.org/database/ ; https://worldagroforestry.org/ ; https://tropical.theferns.info/

[2] Selon les consignes du Centre National de Semences Forestières de Ouagadougou

[3] Légende : ND = non dormant ; PD = dormance physiologique ; MPD = dormance morphologique ; PY = dormance physique 

[4] Baskin C., Baskin J: Seeds – Ecology, Biogeography, and, Evolution of Dormancy and Germination 2nd Edition, Academic Press, 2014.

[5] 2470 graines en moyenne, si on exclut Milicia excelsea (475’000 graines par kilo) et Ficus vallis-choudae (100’000 graines par kilo)